La règle est d’or mais l’étalon n’est pas le même d’un pays à l’autre


Par Dominique Guizien

Depuis plus d’un an, les rigoristes budgétaires n’ont plus que cette expression à la bouche « la règle d’or ». Voilà une merveilleuse invention sémantique. En parlant de la règle, on pense aussitôt au mètre étalon, déposé au Pavillon de Breteuil, c’est-à-dire quelque chose d’intangible, d’immuable et qu’on ne peut trangresser. Et qui plus est, cette régle est en or, ce métal à la fois précieux et magique, tellement magique même qu’il fut lui aussi l’étalon du système monétaire. On joue donc sur toutes les ressources de l’imaginaire collectif auquel j’aurai pu rajouter cette image  « règle »= « baguette » qui ne peut être que magique.

On est donc complètement sorti de la rationalité pour rentrer dans le discours fantasmatique. Qu’en est-il ailleurs ? Regardons chez les fondateurs de ce principe d’orthodoxie budgétaires, les Suisses et les Allemands !

Ils ne parlent pas de règle d’or mais ils utilisent la même expression pour en parler « Schuldenbremse » , c’est-à-dire « frein de la dette ». C’est moins poétique mais c’est plus parlant, car enfin ce système que nos dirigeants rigoristes nationaux et européens veulent nous imposer, ce n’est ni plus ni moins qu’un mécanisme pluri-annuel de réduction des déficits publics .

Dès lors, on se demande pourquoi il est nécessaire d’en faire tout un débat national. Ce débat a déjà eu lieu mais dans un autre cadre. Lors du référendum sur le Traité de Maastricht, pas le référendum de 2005, le premier, celui qui donna une réponse positive de justesse, ceux qui ont eu le courage de lire les deux cents et quelques pages du traité ont vu qu’il était inscrit dans le marbre que les déficits publics des états ne devaient pas dépasser un seuil annuel fixé en pourcentage du PIB et que l’endettement public ne devait pas lui non plus dépasser un autre pourcentage du PIB. C’est ce qui a été popularisé par l’expression « critères de Maastricht ».

Partie intégrante du Traité, ces mesures ont une valeur juridique supérieure à la Constitution Nationale, dès lors qu’elles ne sont pas contraires aux principes énoncés dans ladite Constitution.

Il n’est donc pas nécessaire de vouloir introduire dans la Constitution des mesures plus contraignantes surtout si nos partenaires n’en font pas autant simultanément.

Or les Allemands ont bien voté un frein à l’endettement mais il ne s’appliquera qu’à partir de 2016, les Espagnols ont voté ce qu’ils appelé une règle d’or mais pour eux c’était vital car ils avaient besoin de rassurer ABSOLUMENT les financiers, les Portugais qui sont dans le même situation en ont fait autant, les Italiens qui n’en sont pas loin ont promis de le faire, les Irlandais qui pourtant ne sont pas dans une situation meilleure que les Ibériques n’ont rien fait , les Autrichiens ont refusé de voter une telle mesure.La Pologne a inscrit l’équilibre budgétaire dans sa Constitution mais c’était juste après la décommunisation  et elle pensait bien faire en donnant des gages aux économistes ultra-libéraux de l’école de Chicago qui peuplaient (qui peuplent encore ?) le FMI et la Banque Mondiale.

Pour en revenir à la France, on aurait pu commencer par respecter les propres règles que nous avions édictées. Dans la foulée de la mise en place de la loi organique relative aux lois de finances (la fameuse LOLF), le ministère des Finances a réussi à imposé les “triennaux”, c’est à dire des lois triennales de programmation des lois de finances. On en est au deuxième cycle triennal et le moins qu’on puisse dire est que le gouvernement actuel ne s’est jamais vraiment senti contraint par  ces « trajectoires budgétaires »Pour en rester à la France, on aurait pu commencer par éviter de creuser artificiellement  les déficits en multipliant les cadeaux fiscaux. Il eut été courageux de reconnaître que certains étaient de réelles erreurs stratégiques et il se serait grandi de les remettre en cause. Certes, cela ne représente qu’un partie du déficit structurel mais 12 à 14 milliards par an, cela fait pour reprendre l’arithmétique un peu particulière du chef du gouvernement, 480 à 560 milliards sur 40 ans.

Revenons déjà à l’application des règles du Traité Européen, gardons la possibilité d’avoir une action budgétaire contracyclique et améliorons le traité européen lui-même en fixant une règle d’équilibre sur un cycle économique et en affinant peut-être les critères , la référence au PIB n’étant peut-être par ce qu’il y a de plus judicieux.

Pour illustrer cette dernière remarque, je voudrais juste souligner un point : en 2012, le déficit public représentera  3.7% du PIB, ce qui paraît somme toute redevenu raisonnable mais ces 77 milliards représenteront quand même plus de 1/5° des dépenses, ce qui est pour le coup totalement déraisonnable d’autant plus qu’il ne s’agit pas de financer des dépenses d’investissement

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